Éoliennes en mer : les trois raisons pour lesquelles le gouvernement fait le pari du flottant

Publié le 2 mai 2024 à 16h30

Source : JT 13h Semaine

Lors d'un déplacement à Saint-Nazaire ce jeudi, Bruno Le Maire a annoncé que la carte des prochains parcs éoliens en mer sera publiée en septembre.
Le gouvernement mise sur les éoliennes flottantes plutôt que sur les éoliennes posées en mer, près des côtes.
Un choix justifié par la géologie, mais aussi par des raisons politiques. Explications.

D'ici à 2050, une cinquantaine de parcs éoliens seront déployés en mer sur toutes les façades françaises. Seuls six existent à l'heure actuelle : trois en Normandie (Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Dieppe-Le Tréport), un à Saint-Brieuc, un à Saint-Nazaire et un au large de l'Île d'Yeu-Noirmoutier. Le seul en activité est celui de Saint-Nazaire. Deux devraient l'être cette année, Saint-Brieuc et Fécamp. 

Pour la suite, il faudra attendre. Lors d'un déplacement en Bretagne ce jeudi, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a précisé que "la carte des zones propices à l'éolien en mer à horizon 10 ans et à horizon 2050" serait publiée en septembre. Les objectifs restent inchangés : les parcs en mer doivent produire 18 GW en 2035 et 45 GW en 2050, soit plus de 20% de notre consommation électrique. Un calendrier qui suppose de lancer très rapidement les prochains appels d'offre, car le déploiement de ces installations est long.

En la matière, le gouvernement privilégié l'éolien flottant à l'éolien posé en mer. Les parcs posés ont des fondations directement fixées au sol, comme pour celui de Saint-Nazaire. Dans les parcs flottants, les machines reposent sur des fondations flottantes, ancrées au sous-sol marin par des câbles. Le premier parc commercial devrait voir le jour au large de Belle-Ile-en-Mer avec une puissance de 250 MW permettant de produire, selon Bruno Le Maire, "l'électricité correspondant à la consommation de 450 000 habitants". 

Depuis la Bretagne, le ministre a également annoncé le lancement d'appels d'offre pour deux nouveaux parcs flottants de 250 MW chacun en Méditerranée, au large de Fos-sur-Mer et d'Agde. Pour ces parcs, les lauréats doivent être désignés d'ici à la fin de l'année. 

Trois raisons poussent le gouvernement à faire le choix du flottant. TF1info vous explique.

1. La géologie

C'est évidemment la première raison : les éoliennes posées ne peuvent l'être qu'à une profondeur maximum de 50 mètres. Or, sur certaines façades françaises, le plancher océanique est plus profond. C'est le cas en Méditerranée où même près des côtes, les profondeurs sont supérieures à 50 mètres. Il n'est pas possible d'installer partout des parcs ancrés au sol. 

"Le développement de l'éolien flottant répond d'abord à des préoccupations géologiques", confirme Mattias Vandenbulcke, directeur de la stratégie de France Renouvelables, l'association porte-parole du secteur des renouvelables en France.

2. Un impact social et environnemental limité ?

C'est l'argument avancé par certains : les parcs flottants sont installés au large et sont donc moins visibles de la côte. Ils seraient ainsi susceptibles d'être davantage acceptés par la population que les parcs posés, comme celui de Saint-Nazaire, dont les 80 éoliennes sont ancrées à 12 km des côtes. Mais en réalité, cela dépendra de la géographie : en Méditerranée, les parcs flottants seront par exemple tout aussi visibles depuis la côte.

Quid de la pêche ? Le sujet a été âprement débattu à Saint-Brieuc, où les pêcheurs craignaient des répercussions sur les populations de coquilles Saint-Jacques de la baie. En misant sur le flottant, le gouvernement espère réduire ces conflits d'usage. Là encore, cela dépendra des façades et des activités. Ainsi, le parc flottant de Fos-sur-Mer sera installé à 22 km des côtes. Or, certains comités de pêche plaident pour des installations encore plus lointaines, les bateaux de moins de 12 mètres ayant le droit de pêcher jusqu'à 37 km des côtes. 

Reste l'argument environnemental : le chantier de Saint-Brieuc et la pose des fondations dans le sol avaient suscité des inquiétudes sur les répercussions du bruit sur la faune marine et les oiseaux. La promesse de l'éolien flottant est d'être moins impactant sur les écosystèmes, d'être démantelé entièrement en fin de vie, sans aucun résidu sur le site. 

Mais dans les faits, il est difficile de dire si l'éolien flottant sera moins impactant, car il n'existe pas encore dans le monde de grandes fermes commerciales de ce type. Seules des fermes pilotes existent, avec quelques éoliennes.

3. Des raisons politiques

En misant sur l'éolien flottant, le gouvernement mise sur une technologie qui n'en est qu'à ses balbutiements. "Il est donc très facile pour un homme politique de vanter les mérites de l'éolien flottant, en promettant qu'en plus les parcs seront installés au large, mais de ne rien faire, relève ainsi un expert du secteur. En 2015, il n'y avait pas du tout de parc éolien en mer, les politiques disaient qu'il fallait développer des parcs. Aujourd'hui, nous avons des parcs posés, les politiques disent qu'il faut du flottant. Il y a toujours cet effet de glissement inhérent aux technologies qui n'existent pas.

Mais à attendre à chaque fois la prochaine technologie, que se passe-t-il entre temps ? Comment tenir les objectifs de la France en matière de baisse des émissions de CO2 et de développement des énergies renouvelables ? La question est d'autant plus urgente que les usages s'électrifient et que la demande en électricité va augmenter. 

Pour Mathias Vandenbulcke, il est donc "urgent d'attribuer les parcs prévus pour que les objectifs soient atteints". Notamment parce que l'industrie a besoin de signaux sur le temps long. "La commande publique est un signal fort pour l'industrie qui peut dès lors développer ces technologies, précise l'expert. Il y a urgence à le faire pour préserver l'industrie européenne."

Car la concurrence sera rude, notamment avec la Chine. Surtout pour installer des éoliennes les plus puissantes possibles. Il s'agit en effet de rentabiliser par la puissance le coût des installations. "C'est plus cher de faire de l'éolien flottant que de l'éolien posé, confirme Mathias Vandenbulcke. Le coup de raccordement est beaucoup élevé du fait de l'éloignement des côtes. La hausse des coûts est proportionnelle à l'éloignement."

Pour l'heure, l'électricité d'un parc éolien posé est vendue entre 50 et 60 euros du MWH, quand les fermes pilotes d'éoliennes flottantes sont, elles, à 240 euros du MWH. "Mais c'est une filière naissance qui a vocation à suivre la même trajectoire de diminution des coûts que le reste des énergies renouvelables", tempère Mathias Vandenbulcke. Pour la filière, l'enjeu est d'attribuer le maximum de parcs possibles avant 2026, pour que l'éolien en mer ne soit pas un enjeu de la campagne présidentielle. 


Marianne ENAULT

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